La Danse après un AVC : Redonner du Sens, Retrouver le Mouvement

Mots-Clés :
#ErgotherapiedeVille #Rééducation #AVC #Danse #ThérapieMiroir #Motivation #Activitesignificative #Occupationhumaine

L’histoire de Jean-Michel illustre l’intérêt de considérer
les Activités Significatives dans le processus de rééducation après un AVC.
Ancien Professeur Agrégé d’Éducation Physique et passionné de danse,
il a été chorégraphe et interprète pendant de longues années.
L’AVC a bouleversé son rapport au corps
même s’il n’a jamais abandonné l’idée de danser de nouveau.
Depuis le début, cela fait même partie intégrante de son projet d’autonomie
et in fine, de guérison. L’Ergothérapie de Ville, dans son approche holistique,
a joué un rôle essentiel dans son parcours de reprise.
En s’appuyant sur sa passion, nous avons débuté en mars 2023
par la création d’une « Chorégraphie des Mains » dans le cadre
d’un protocole d’auto-rééducation basé sur la Thérapie Miroir.
Une étape motivante qui a précédé son retour aux cours de danse en septembre 2024.

La vidéo qui suit nous montre son parcours, très inspirant et porteur d’espoir pour d’autres patients.

Le témoignage de Jean-Michel

La découverte de la danse

La découverte de la danse est un hasard. Elle vient de mon expérience chez les scouts de France en 1966. J’étais animateur chez les pionniers. Nous avions le projet de présenter un spectacle de fête de paroisse lors d’un séjour itinérant en Vendée. A cette époque, j’avais 19 ans. Initialement, Nous devions faire une pièce de théâtre qui s’intitulait «Pleure au pays bien aimé» en référence au livre sur l’apartheid en Afrique du Sud.  A mon grand désarroi, nous avons dû abandonner le projet avant même la première représentation : certains copains et donc comédiens ont échoué au baccalauréat en juin et leurs parents ont renoncé à les faire partir en camp pour qu’ils soient prêts pour la session de rattrapage en septembre. Le curé a trouvé en dernière minute un metteur en scène qui nous a proposé un spectacle …  de danse. C’était l’époque de la célèbre comédie musicale West Side Story. J’ai compris que les hommes pouvaient danser et surtout avoir un rôle sur scène autre que de mettre en valeur les danseuses. De là est née ma première chorégraphie sur le même thème. Nous étions 6 danseurs. La non mixité et non coéducation était de rigueur chez les scouts à cette époque.
Notre tournée a rencontré un véritable succès. Mon égo a été pleinement satisfait avec l’envie de poursuivre cette aventure artistique.
Il se trouve qu’un animateur scout connaissait André TAHON, le créateur de la marionnette Ploom qui nous a mis en contact avec un danseur de la compagnie Françoise et Dominique Dupuy les précurseurs de la danse moderne en France.  Nous avons créé une chorégraphie mixte qui mêlait des temps de danse, chants et sketches.
En 1967, vous avez dansé avec le chorégraphe Jean Boufort. Le spectacle « les loisirs » que nous avons présenté lors la tournée de 1967. A titre personnel, j’ai pris des cours chez Jacqueline Robinson à Paris Montmartre.

Jean-Michel Boissonet chez les scouts de France en 1967
Photo de Jean Michel Boissonet, 1967

Une activité professionnelle riche en qualité de Professeur d’Éducation Physique et Sportive

J’ai commencé à enseigner en 1972 et j’ai proposé à mes élèves des sessions de danse. J’ai fait évoluer ma pédagogique jusqu’à faire en sorte que les élèves trouvent leur propre style et chorégraphie. En 1989, je suis devenu chorégraphe et j’ai mis en scène certains de mes anciens élèves. En 1992, j’ai aussi organisé des spectacles au théâtre L’espace 600 à Grenoble. En 1999, je suis devenu Professeur Agrégé. J’ai participé à des groupes de recherche à l’Université de Grenoble et au Centre National de Recherche Pédagogique (CRNP) sous l’égide de Daniel Motta. Nous travaillions sur la présence en scène et la différence en danse entre les garçons et les filles.
J’ai été muté à Montpellier en 2002. J’ai participé à un cercle d’étude sur la danse et j’ai enseigné au lycée Joffre jusqu’au départ à la retraite en 2010.

Une passion pour la danse qui continue à la retraite

En 2013, j’ai dansé dans un spectacle de Mathilde Monnier qui était à cette époque, directrice du Centre Chorégraphique National de Montpellier (CCNM), aujourd’hui nommé ICI. Par la suite, j’ai ensuite été régulièrement interprète avec différents chorégraphes dans le cadre de festivals comme Montpellier Danse. J’ai rencontré Anne Lopez qui m’a intégré dans un de ses spectacles  » Miracle  » en 2015.
De 2015 à 2021, j’ai participé à des manifestations de District Danse à Montpellier, un festival qui fait la promotion de la danse dans certains quartiers de la ville sous la direction de Elsa Decaudin.

Affiche Représentation du Spectacle LA TARTINE (Passe-moi une tartine de Fort Rock,Tu peux tomber mais je ne te ramasse pas et Trame 33) les 29 et 30 avril 1998 à L’espace 600
Affiche Représentation du Spectacle LA TARTINE (Passe-moi une tartine de Fort Rock,Tu peux tomber mais je ne te ramasse pas et Trame 33) les 29 et 30 avril 1998 à L’espace 600

Le rapport au corps modifié après l’AVC

En 2021, j’ai fait un AVC qui a eu pour conséquence une hémiparésie du côté droit. J’ai bénéficié de plusieurs mois de rééducation dans un centre de Médecine Physique et de Réadaptation à Castelnau-le-Lez. La rééducation est nécessaire au processus de guérison. Les soins en kinésithérapie, ergothérapie et Activité Physique Adaptée me permettent de récupérer progressivement et avec douceur.  Mais j’ai souvent ressenti le besoin qu’on me fasse sortir plus souvent de ma zone de confort et que cela soit plus intensif.
L’AVC a bouleversé le rapport à mon corps même si je n’ai jamais abandonné l’idée de courir et danser de nouveau. Depuis le début, cela fait même partie intégrante de mon projet de guérison et in fine, d’autonomie.
Avant l’AVC, j’avais l’impression de bien connaitre et maitriser mon corps. J’étais capable de prendre des risques, de sortir régulièrement de ma zone de confort et je savais anticiper et gérer les situations dangereuses. Aujourd’hui, beaucoup moins. J’ai fait du judo, du ski ou encore du vélo. Dans ces sports, les situations de déséquilibre sont permanentes. Et aujourd’hui, cela m’est compliqué d’envisager de reprendre car j’ai perdu confiance dans ma capacité de me récupérer, de réagir. J’ai aussi souffert d’une prise de poids importante (+15kg) en partie liée à la limitation d’activité. Je perds difficilement car je ne fais pas assez d’activité physique.

Photo de Jean-Michel pendant une séance de rééducation(Anne Baron- mars 2025)
Séance de rééducation Main&Membre Supérieur (Photo Anne Baron- mars 2025)

Une peur d’entreprendre et un manque de confiance jusqu’alors inconnus

Je me trouve beaucoup plus frileux pour faire quelque chose de nouveau que je ne maitrise plus. Je ressens une peur que je ne connaissais pas auparavant et il est toujours difficile d’accepter que ce soit différent dorénavant. La confiance en soi en prend un coup. J’ai beaucoup plus de difficultés pour m’engager dans une aventure nouvelle. Par exemple, conduire une voiture ne m’est plus naturel. J’ai fait les démarches médico-légales pour régulariser le permis de conduire avec comme restriction l’obligation de conduire avec une boite de vitesse automatique. Je l’accepte mais ça chamboule sur le plan psychologique.  Je l’ai vécu comme une sorte de défiance à mon égard, moi qui avais toujours conduit avec une boite manuelle. Je doute maintenant de mes réflexes. Je deviens presque trop prudent. Je n’ose pas reprendre le vélo alors que j’en ai toujours fait.

Une perte d’autonomie difficile à accepter

L’AVC génère une perte d’autonomie que je trouve impitoyable. Je ressens une certaine forme de passivité, de laisser-faire qui m’attriste.  De mon point de vue, je peux avoir tendance à déléguer une tâche par manque de motivation pour l’entreprendre. L’entourage a aussi une tendance à prendre le relais et moins me solliciter alors que j’en ai les capacités. Par exemple, l’AVC a provoqué un déséquilibre dans le quotidien avec mon épouse Elle a eu tellement peur pour moi qu’elle me surprotège et cela peut être un frein pour mon autonomie.

Un grand corps malade en référence

Le film #PATIENTS sorti en 2016 a été une véritable source d’inspiration et m’a donné de l’espoir, une envie de me battre. L’histoire de l’artiste #GrandCorpsMalade est bouleversante.  Il a lui aussi dû faire face à de longs mois de rééducation pour retrouver la marche. Il a un charisme et une combativité qui lui ont permis de déplacer des montagnes.

Photo affiche officielle du film Patients racontant l'histoire de Grand Corps Malade sorti en 2016
Affiche officielle du film PATIENTS sur l'histoire de l'artiste Grand Corps Malade, paru en 2016

La reprise de la danse avec Anne LOPEZ

En septembre 2024, je me suis inscrit au cours de danse d’Anne Lopez avec qui j’avais collaboré dans le passé. Elle développe une approche de la danse axée sur l’autonomie, la créativité et la surprise. C’est une activité de création de mouvement qui n’a rien à voir avec une danse stéréotypée et formatée comme la danse classique, le hip hop, le jazz (…).

Des sensations certes modifiées mais sources d’expérimentation et de créativité

Bien sur les sensations ne sont pas les mêmes. La spasticité se manifeste et j’ai l’impression de danser avec un boulet aux pieds et des élastiques aux bras qui freinent la rapidité de réalisation du mouvement. La fatigue est beaucoup plus importante. Je mets deux jours à me remettre du cours de danse qui a duré 2 heures sans pause.
Mais pouvoir danser de nouveau est une expérience des plus agréables. Avec la danse, l’effort n’est pas limité, je peux expérimenter. Je me sens libre de bouger sans contrainte. La danse procure une circulation énergétique, elle crée une sensation de flux à travers le corps et qui passe vers le centre. C’est un entrainement différent de la rééducation qui est plus analytique et pas assez globale.
Je me sers de la danse pour réintégrer corporellement et donc potentialiser les acquis de la rééducation.

Jean-Michel Boissonnet a son cours de danse en décembre 2024 (photo Anne Baron)
Jean-Michel Boissonnet a son cours de danse en décembre 2024 (photo Anne Baron)


Ce témoignage est le fruit de nombreux échanges pendant et après nos séances d’ergothérapie. Jean-Michel m’a souvent entendue lui dire que j’étais impressionnée par sa capacité de résilience, sa combativité et son envie de toujours aller de l’avant. Depuis juin 2023, les progrès réalisés ont été nombreux avec un  gain réel d’autonomie dans la vie quotidienne. Je souhaite vraiment le remercier chaleureusement au travers de cet article :
« Cher Jean-Michel, ces deux dernières années à vos côtés ont été une source d’inspiration constante. Votre engagement actif et votre humanité sont une force motrice pour mieux faire connaître l’ergothérapie libérale. Sans des patients aussi motivés et bienveillants que vous, partager des retours d’expérience aussi porteurs de sens ne serait pas possible. Votre parcours est un témoignage vibrant d’espoir pour toutes les personnes et leurs familles touchées par l’AVC. La récupération est possible même à distance de l’AVC, et l’ergothérapie y contribue avec force et détermination. »

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