L’amputation distale d’un doigt peut passer inaperçue et ne pas faire l’objet de soins particuliers si ce n’est pendant la phase post-opératoire.
Pour autant, le retentissement fonctionnel peut être sévère particulièrement lorsqu’il concerne la main dominante, ou dans notre cas une main ayant nécessité un transfert de latéralisation suite à un AVC.
L’exemple de Joëlle
Joëlle est droitière. Elle me consulte initialement pour une rééducation neurologique post-AVC. Elle présente un trouble de la commande motrice au membre supérieur droit particulièrement sévère, l’ayant obligée à se relatéraliser. Or, suite à une mauvaise chute à domicile, elle doit subir une amputation de la dernière phalange de l’index gauche (Réf. Photo 1) peu de temps après son retour du centre de rééducation en 2022. Le moignon reste douloureux avec une intolérance à la pression (Réf. Photo 2). Joëlle décrit des douleurs fantômes et des sensations de décharges électriques. La cicatrice est très sensible avec l’apparition d’une crevasse. La peau est très sèche, ce qui peut occasionner des saignements. Les saisies de petits objets ne peuvent se faire qu’avec le 3ème doigt (Réf. Photo 3). Il lui est aussi difficile de manipuler plusieurs objets dans la paume de la main.



Rôle de l’index dans les fonctions préhensiles
L’index est décrit comme le doigt directeur de la main : c’est le doigt qui désigne ou qui pointe. Il a donc un rôle central dans la mise en place de la coordination visuo-manuelle et la réalisation des activités de précision.
Rappel définition de la préhension grossière versus fine
La préhension est la capacité à saisir un objet. Nous parlons de la préhension grossière lorsqu’il s’agit d’un objet volumineux qui implique la participation de plusieurs doigts dont l’annulaire et l’auriculaire. L’index ne joue pas un rôle majeur. La préhension fine se rapporte à la prise d’un petit objet saisi grâce au pouce qui est placé en opposition avec l’index et/ou le majeur.L’amputation de la dernière phalange de l’index va donc surtout altérer les préhensions les plus fines. Voici quelques exemples de prises fines en nous référant à la classification des postures manuelles de Schesinger, 1919.





Stratégies et propositions thérapeutiques en ergothérapie
La priorité de notre rééducation est accordée à la restauration du mouvement du membre hémiparétique. Cependant, nous avons profité de la programmation d’une consultation de toxine botulique pour adresser un compte-rendu d’évaluation à l’attention de son médecin spécialisé en Médecine Physique et de Réadaptation et sollicitons un avis médical pour un projet de prothèse. Nous avons aussi pris contact avec un orthoprothésiste pour étudier la faisabilité technique. Selon ce dernier, les appareillages proposés dans la cadre d’une amputation de doigt, ont davantage une fonction esthétique que fonctionnelle et sont peu éligibles à un remboursement de la part de la sécurité sociale. La limitation d’activité est importante chez Joëlle. L’amputation du membre supérieur sain majore le retentissement fonctionnel déjà fortement altéré par le trouble de la commande motrice. Ces arguments devront être mis en avant.
Dans le passé, Joëlle a fait l’essai d’un manchon silicone, acquis sur internet grâce à son petit fils (Réf. Photo 4). Ce dispositif s’est avéré non concluant car il ne protège pas des douleurs provoquées par les pressions de l’objet sur la cicatrice du moignon. Il n’a pas de caractéristique antidérapante qui permet de mieux agripper les petits objets. Enfin, il ne compense pas la perte de longueur du segment de membre et n’autorise pas les prises les plus terminales.
Nous avons proposé à Joëlle de faire l’essai d’un dé à coudre siliconé qui répond en partie à ces qualités recherchées :
- La décharge du moignon est assurée et les douleurs sont considérablement réduites.
- La perte de longueur du segment de membre est en partie compensée, autorisant de nouveau la saisie des petits objets fins (Réf. Photos 5 &6).
- La saisie, le maintien et la manipulation des objets sont améliorés grâce à la surface antidérapante du dé à coudre.
- L’adhérence sur la peau est bien tolérée et s’adapte même à la variation de trophicité.



En conclusion
Une amputation distale d’un doigt ne doit pas être banalisée car elle peut provoquer une limitation d’activité importante au quotidien. L’évaluation précise des performances gestuelles en ergothérapie ouvre la voie à de nouvelles propositions thérapeutiques.